mardi 17 septembre 2013

"A fleur de relief" ou la poésie d'une plaque d'égout

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La relecture du livre de Pierre Alechinsky: "Remarques marginales" pendant les vacances, m'a donné envie d'expérimenter la technique de l'estampage. Alors la citation est un peu longue, mais j'aime comment Alechinsky "raconte" la création, de manière simple, sans fioritures et concept fumeux.
 
"Ils étendent la blancheur d'une feuille de papier de riz sur une calligraphie ou un dessin gravé dans la pierre et, à l'encre noire, obtiennent par frottage au moyen d'une brosse dure un décalque en négatif... Ainsi font les chinois."

"Un premier estampage m'est venu sous la brosse quand j'ai voulu garder le souvenir d'un banc de la fin du siècle dernier, fait de huit cercles concentriques, un "tour d'arbre" en ferraille... Progressivement, au rythme du va-et-vient latéral de ma brosse imbibée, les huit cercles sablés par le temps réapparurent captés dans leur texture, avec d'insoupçonnables détails et aspérités."

"Il m'a fallu trouver d'autres formes circulaires propices à l'estampage...Au ras des chaussées et des rues m'attendaient quantité de couvercles en fonte aux admirables motifs en relief..."
"Me tirer du lit à l'heure où la ville est encore vide de voitures. J'ai repéré la veille, dans la Cinquième Avenue à hauteur du Métropolitan Museum, une belle bouche d'égout en bronze. De mystérieuses fumerolles s'en échappent. L'hiver, les farfadets travaillent en sous sol. J'occupe le bitume avec mon bol d'encre, ma brosse dure, mes papiers. Je frotte."


   Pierre Alechinsky
   "Remarques marginales"
    A fleur de relief - p75-77-80



             "Passerelle" - 1986
Pierre Alechinsky dans son atelier: collection de bouches d'égout estampées puis marouflées sur la toile pour créer une marge.

 Alors, sans prendre le risque d’arrêter la circulation devant chez moi, je fais des essais d'estampage avec tous ce qui me tombe sous la main. Du coup, je regarde ma collection de tampons d'un autre œil, y compris ceux que j'hésitais à utiliser. Pour estamper, j'utilise les pastels gras Néocolor II, qui en plus ont l'avantage d'être aquarellables. Les effets sont différents d'un simple "tamponnage": on peut jouer sur l'estompage, le dégradé des valeurs ou des couleurs.

                                                    Avec un letraset

                                                   Avec un tampon en caoutchouc   

                                    Avec un tampon ancien d'une boîte de jeu
                                                        Avec un pochoir "fait maison"

                                                                Avec le dossier en métal d'une 
                  chaise à Candice Garden à
                  Guernesey


                                                          
                                                              Et moi même, prise en photo à 
                  l'insu de mon plein gré, en train
                  de capturer l'empreinte d'une 
                  poubelle à Guernesey.










1 commentaire:

  1. Nathalie Jeannenot17 septembre 2013 à 22:59

    Les mots me manquent.... la poésie naît d'une plaque d'égout ou d'une poubelle de Guernesey, l'atmosphère douce d'un roman de Colette illumine un visage bleuté, alchimie de l'atelier, magie de l'artiste...qui nous ferait croire que l'été n'a pas dit son dernier mot :-))

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